Le secteur agroalimentaire en France joue un rôle économique crucial, associant tradition et innovation. Alors que ce domaine connaît des transformations majeures, il continue de proposer des opportunités attrayantes pour les ingénieurs agronomes désireux de s’investir dans une industrie en pleine évolution. Pour mieux comprendre le métier d’ingénieur agro ainsi que les missions et les défis auxquels il fait face, la FESIC a interviewé un ingénieur récemment diplômé d’ISARA, une de ses écoles.
Tout d’abord, pourrais-tu nous expliquer selon toi, ce qu’est un ingénieur agronome ?
Un ingénieur agronome est un type d’ingénieur. C’est une personne qui intervient sur plusieurs domaines. On est particulièrement concernés par le vivant : l’élevage, la ferme, les cultures, les animaux…L’agronomie, c’est donc essentiellement la production alimentaire, si l’on résume.
Quelle est la différence entre l’agronomie et l’agroalimentaire ?
L’agronomie,c’est ce qui se passe en amont de la chaîne de production. C’est tout ce qui concerne la culture des plantes, comme le maïs, le blé, ou l’élevage des animaux. L’agroalimentaire, c’est la transformation des produits bruts en produits finis destinés à la consommation, donc l’aval de la chaîne.
Et un ingénieur agronome, à quoi contribue t-il ?
Les ingénieurs agronomes connaissent bien le monde agricole et ses contraintes. C’est un domaine très large, et il existe différentes spécialisations tout au long de la chaîne. Par exemple, une amie travaille en recherche et développement, une autre est en amélioration continue dans les packagings, et certains se tournent vers le marketing dans l’industrie alimentaire. Les postes sont donc très variés.
Selon toi, quels principaux enjeux les ingénieurs agro doivent répondre ?
Le rôle d’un ingénieur agronome est très transversal : il faut savoir capter des informations venant de différents domaines pour les relier et comprendre le système dans son ensemble. Pour moi, le premier enjeu est l’adaptation au changement climatique. Il faut réduire l’empreinte carbone et adapter les méthodes agricoles aux nouvelles conditions climatiques. Par exemple, si on dit aux agriculteurs d’arrêter d’utiliser des pesticides, il faut trouver des solutions concrètes de remplacement. Un autre enjeu est de garantir une production durable, respectueuse de l’environnement tout en maintenant des rendements corrects. Un autre défi majeur est l’autonomie et la sécurité alimentaire. Comment continuer à produire tout en tenant compte de ces deux enjeux ? Enfin, l’équité sociale et économique est un enjeu important : comment rendre l’agriculture plus autonome tout en assurant une rémunération correcte aux travailleurs ? Ce sont tous des défis auxquels nous devrons faire face.
Avais-tu un lien avec le monde agricole avant ton choix d’étude ? Est-ce indispensable pour devenir ingénieur agro ?
Personnellement, je n’ai aucun lien direct avec le monde agricole. Ma mère est institutrice et mon père infirmier, donc c’est assez éloigné de ce milieu. Mais pour ceux qui viennent de ce monde, cela peut être un avantage. J’ai des amis dont les parents sont éleveurs et ils connaissent bien les réalités du terrain. Cela peut être un plus, mais ce n’est pas une obligation. Les stages permettent de se plonger dans ce milieu, ce qui est essentiel. Aujourd’hui, je ne me sens pas en retard par rapport à mes amis. Certes, ils ont des connaissances pratiques supplémentaires, comme la connaissance des modèles de tracteurs par exemple… c’est un avantage mais ce n’est pas une pénalité ! On apprend vite !
Comment es-tu venu à faire ce choix d’études-là ? Qu’est-ce qui t’a poussé premièrement à aller dans une école d’ingénieur et plus spécifiquement dans une école d’ingénieur agro et notamment ISARA ?
J’ai fait un bac S option physique-chimie et je m’intéressais beaucoup aux sciences du vivant. Je voulais poursuivre mes études, ma mère étant institutrice et ayant un bon niveau scolaire, j’ai naturellement opté pour un parcours long. Je visais donc un bac+5. Je n’avais pas vraiment envie de passer par une prépa classique, car ma sœur en avait fait une et ça ne m’attirait pas. J’ai donc choisi une école d’ingénieur offrant un parcours complet sur cinq ans. J’ai choisi l’agronomie en raison des enjeux écologiques et agricoles qui m’intéressaient. Au départ, je pensais que l’agronomie et l’écologie étaient étroitement liées, mais j’ai vite compris que c’était plus complexe que cela. J’ai aussi aimé l’aspect terrain, être dehors me plaisait beaucoup. Je me donnais aussi la possibilité de changer de voie si jamais cela ne me convenait pas.
Tu étais donc plus attiré par le secteur plutôt qu’un métier bien spécifique ?
Je voulais travailler dans un domaine qui ait du sens. J’hésitais à m’orienter également vers les énergies mais j’ai finalement choisi l’ISARA.
Tu travailles donc maintenant dans les énergies ?
Oui, exactement ! C’est un peu un pari gagnant ! J’ai eu ce que je voulais.
Avais-tu visé d’autres écoles d’ingénieurs agro ?
Mon école, c’est l’ISARA, qui fait partie de France Agro3. J’ai postulé dans trois écoles, mais je visais principalement l’ISARA, car je voulais rester à Lyon où je vis avec mes parents.
Tu m’as dit que tu ne voulais pas faire de CPGE (Classe préparatoire aux grandes écoles), comment as-tu vécu la CPI (Classe préparatoire intégrée) ?
Très bien, même si j’étais un peu frustré au début, car je pensais que l’on ferait plus d’agronomie. Je pensais qu’on serait plus sur le terrain. Mes amis, qui venaient d’exploitations agricoles, avaient encore plus d’attentes en termes de sorties terrain. Mais finalement, ça ne m’a pas dérangé, surtout que j’adore les maths et la physique, donc ça me convenait. Ce que je disais souvent lors des Journées Portes Ouvertes, c’est qu’il n’y avait pas la pression d’un concours. Je savais que si l’école m’avait choisie, c’était parce que j’étais capable de suivre.Un autre avantage de cette modalité sans concours, c’est qu’ il n’y avait pas de concurrence entre nous, juste de l’entraide, ce qui était très agréable.
Peux-tu nous faire un petit résumé de tes stages ?
Pour mon premier stage ouvrier, c’était obligatoirement en exploitation agricole. Personnellement, je l’ai fait en maraîchage BIO à 5 minutes de chez moi. C’était en plein été donc pile au moment des récoltes. Onn récolte quasiment tous les jours des fruits et légumes : poivrons, carottes, concombres, tomates… Je faisais également de l’entretien et des plantations. Le maraîchage, c’est une branche à part, mais ça m’a permis de comprendre pas mal de contraintes : la pénibilité au travail, les aléas climatiques… Mais aussi les types de sols… Pleins de choses que je ne connaissais pas.
En deuxième année, je voulais voir de l’élevage. J’ai réalisé mon stage dans une exploitation de poules pondeuses, de cochons et de vaches allaitantes (à viande). J’ai aussi découvert le monde de la boucherie. Ça m’a permis de découvrir l’univers de l’élevage. Aujourd’hui, je suis amené à travailler sur des poulaillers et je sais comment cela fonctionne. J’aurais aussi voulu découvrir les grandes cultures mais je n’en ai pas eu l’occasion.
Enfin, j’ai fait un stage facultatif de 2 mois au Cameroun au sein d’une association qui travaille sur l’agriculture au Cameroun. Les exploitants étaient récemment passés au BIO et mon but était de voir et comprendre les contraintes qu’ils avaient rencontrées… Essayer de répondre aux besoins pour développer le BIO et l’agroécologie au Cameroun. Évidemment, au Cameroun, on parle d’échelle différente, on ne parle pas de tracteur mais de machettes. Les plus riches ont un rotofil. Les parcelles étaient de 200m2 alors qu’en France, en taille moyenne, on parle de parcelles de 70 000 m2 (70ha).
As-tu eu d’autres opportunités de partir à l’étranger ?
Oui, j’ai fait un Erasmus en Italie à Bologne pendant 6 mois. J’ai fait de l’agriculture de précision. Brièvement, on utilise des GPS pour être très précis pour, par exemple, désherber au bon endroit, sur les bonnes plantes et pas partout dans le champ. J’ai fait pas mal d’IOT (Internet of Things).
Et comment s’est passé ton dernier stage alors ?
J’ai fait mon stage que j’ai prolongé par mon alternance actuelle. Je voulais vraiment revenir à ce que je voulais à l’origine, à savoir les énergies et coup de chance ! Quand je suis arrivée en 4ème année, l’école a ouvert un parcours “Transition énergétique”. J’étais dans la première promo à qui on proposait le cursus. On étudiait les énergies renouvelables : l’éolien, les panneaux photovoltaïques, la méthanisation… On se rend compte qu’il y a un vrai lien entre l’agriculture, les territoires et les énergies. Je cherchais vraiment un stage dans les énergies et suis allé à la rencontre des développeurs d’énergie. J’ai eu un peu de difficulté pour trouver mais j’ai finalement été recruté à la coopérative Oxyane. C’est une coopérative agricole au centre de la région Rhône-Alpes.
Peux-tu me préciser ce qu’est une COOP ?
Ce sont plusieurs agriculteurs qui se réunissent pour être plus grands et forts. Un des rôles de la CO0P, par exemple, est de réunir toutes les récoltes de tous les adhérents pour avoir un plus gros volume à vendre. On fait aussi du conseil. C’est une sorte d’entreprise détenue par les agriculteurs et pour les agriculteurs adhérents à celle-ci. Ce que je trouve intéressant, c’est que les décisions prises par la CO0P sont prises par les agriculteurs. Je suis donc salarié de la COP. Et autre coup de chance ! Il y a un pôle énergies renouvelables qui s’est ouvert ici depuis 2018 et le responsable est un ancien d’ISARA ! Il a lu mon CV et m’a proposé de les rejoindre. J’ai tout de suite accepté. Je pose donc des panneaux solaires chez les adhérents et les particuliers, même extérieurs à la COOP. Pour cela nous avons créé une filiale, Solasun, qui nous permet d’installer nous-même les panneaux chez nos clients et donc d’assurer un suivi complet. On les accompagne aussi sur la méthanisation. On a la connaissance de la méthanisation et on connaît les contraintes agricoles. On fait vraiment le lien entre les énergies et le monde agricole. Mon maître de stage m’a donc spécialisé dans l’agrovoltaïsme, c’est-à-dire, comment avoir de la production énergétique au service de l’agriculture. J’ai cependant encore plein de choses à apprendre car je n’ai aucune connaissance dans le secteur électrique !
J’ai l’impression que ce que tu fais te plaît beaucoup, comment vois-tu ton avenir?
Oui, j’ai beaucoup de chance. Mon responsable sait ce que je sais et ce que je ne sais pas. J’ai de supers collègues, je travaille dans les énergies et suis proche du monde agricole. Des nouveautés arrivent, c’est excitant et ça me plaît ! La semaine prochaine, je vais voir des agriculteurs, je vais sur le terrain…. J’essaye d’arriver à l’heure au boulot pour faire bonne impression et obtenir le CDI à la fin !
A travers ce récit, Jules nous révèle les forts enjeux auxquels les ingénieurs doivent répondre mais aussi toutes les casquettes que ce titre peut remplir. Il y a autant de métiers d’ingénieur que d’ingénieurs. Les domaines d’applications et d’évolution de ces métiers sont nombreux et offrent un panel d’opportunités. La facilité d’embauche souligne un manque de ces ingénieurs compréhensifs du monde agricole. Une expérience riche en stages, en voyages et en terrain. De quoi donner envie aux jeunes de se lancer sur ce terrain de jeu !