Suite à l’annonce de la suppression de l’aide à l’embauche pour les contrats de professionnalisation intervenue le 1re mai dernier, Alexandre de Navailles, directeur de Kedge, Philippe Choquet, président de la Fesic et directeur d’UniLasalle et Benoit Serre, vice-président de l’ANDRH (Association Nationale des DRH) ont décidé de co-signer une tribune en faveur de l’apprentissage.

La tribune a été reprise dans les Echos et AEF.

Vous pouvez la retrouver ici :

Un taux de chômage des jeunes historiquement bas, des étudiants accédant de plus en plus à des diplômes de qualité, des entreprises accueillant des profils expérimentés et bien formés au cours de leurs études ; ce paysage n’est pas un rêve, c’est celui de l’enseignement supérieur en France aujourd’hui. Après avoir été le parent pauvre de l’enseignement, l’apprentissage a connu ces dernières années une croissance spectaculaire : de 2016 à 2024, les contrats d’apprentissage sont passés de 290 000 à 1 000 000, soit une croissance de plus de 300 % !

Durant cette période, les apprentis du supérieur sont devenus majoritaires, sans que cela ne se fasse au détriment des moins diplômés puisque la marge de progression était simplement plus élevée post bac. Cette tendance répond à l’objectif de de revaloriser l’apprentissage et de rendre ce mode de formation plus attractif. L’apprentissage dans le supérieur et avant le bac se complètent et s’enrichissent ainsi au bénéfice de ce mode de formation précieux pour tous les publics.

La première vertu de l’apprentissage, c’est de rendre concrète l’égalité des chances et d’ouvrir tout l’enseignement supérieur à tous les étudiants. En percevant un salaire et en ayant ses frais de scolarité pris en charge, un étudiant modeste ou issu des classes moyennes peut suivre le cursus de son choix sans avoir à s’endetter. Ce sont ainsi des milliers de jeunes à qui l’apprentissage a permis d’accéder à toute l’offre de l’enseignement supérieur français.

La deuxième vertu de l’apprentissage, c’est d’offrir un modèle pédagogique sans équivalent. Les apprentis partagent leur temps entre formation et emploi, entre théorie et pratique. Ils comprennent comment faire usage de leurs savoirs académiques dans le cadre professionnel et disposent de la réflexivité nécessaire pour progresser et tirer profit de leurs expériences. Les apprentis deviennent à la fois de meilleurs étudiants et de meilleurs jeunes professionnels.

La troisième vertu de l’apprentissage, c’est d’accélérer l’insertion professionnelle. La Cour des comptes souligne qu’il y a 20 points d’écart entre les apprentis en emploi six mois après leur sortie de formation et ceux diplômés sous statut scolaire. Et si le chômage des jeunes se stabilise autour de son niveau le plus bas depuis quarante ans (17,4 % en 2023), comment ne pas faire le parallèle avec un nombre d’apprentis qui se rapproche du million ?

Malgré ce succès, l’apprentissage est aujourd’hui doublement menacé. Par l’État qui veut réduire son financement à France Compétences au risque de fragiliser tout un écosystème. Par des acteurs peu scrupuleux qui, en plaçant des étudiants au sein d’entreprises sans accompagnement pédagogique satisfaisant, dénaturent un dispositif bâti sur la qualité du binôme école-entreprise. Un modèle plus pérenne qui récompense les acteurs vertueux et décourage les pratiques discutables doit donc être inventé.

L’une des premières exigences consiste à simplifier le dispositif et à la rendre plus lisible, par exemple en harmonisant les niveaux de prise en charge (NPEC) et en réduisant le nombre de certifications recensées (plus de 800 000 actuellement !). Il faut ensuite renforcer les contrôles afin de souligner la qualité pédagogique des uns et de sanctionner les pratiques des autres. En somme, apporter de la lisibilité et de la confiance dans les établissements et leurs approches pédagogiques.

Enfin, il faut probablement ouvrir le débat sur le modèle de financement de l’apprentissage, et tenir compte de la distinction entre les établissements d’enseignement supérieur qui prennent part à des missions de service public et les autres.

L’apprentissage fait partie des grands succès français des dernières années. Pour consolider ce modèle et répondre au défi de son financement, il convient d’éviter à tout prix des coups de rabots indifférenciés, et de concevoir ensemble une réforme ambitieuse pour le bénéfice de tous, et en premier lieu des étudiants.

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